Le Covid 19 et l’urgence d’une modernisation de la médecine africaine

Introduction

Nous utiliserons les termes modernisation dans cette réflexion dans le sens que lui donne le philosophe camerounais Njoh Mouellé dans De la médiocrité à l’excellence (1971). Il ne s’agit pas du modernisme ou du snobisme de celui qui considère ce qui est actuel ou nouveau comme ayant nécessairement de la valeur par rapport à ce qui est ancien, mais il s’agit de s’inscrire dans le processus de l’indéfini effort de perfectionnement des savoirs humains initié par les philosophes modernes de l’aire occidentale dans le souci de répondre le plus efficacement possible aux besoins fondamentaux de l’homme1.

En fait, les temps modernes commencent avec le mouvement de révolution scientifique qui va de Copernic à Newton. Ce mouvement a été révolutionnaire parce qu’il a remis en question ceux qui étaient alors considérés comme des autorités en matière de recherche de la vérité : l’église et l’aristotélisme. C’est pourquoi l’une des préoccupations majeures de la philosophie occidentale moderne sera celle de trouver un fondement certain à l’édifice des connaissances humaines. Et selon René Descartes, qui est considéré comme le héraut des temps modernes, le nouveau roc sur lequel il faudra désormais bâtir cet édifice ne sera rien d’autre que le cogito, c’est-à-dire ma pensée claire et distincte2. Notre exposé sera ponctué par la réflexion sur les questions que susciterait la transposition d’une telle attitude dans le contexte africain.

Premièrement, l’homme moderne ne considère comme vrai que ce qui est clair et distinct à son esprit : c’est le retour au sujet. Selon l’exhortation de Descartes, chaque homme devrait avoir le courage, au moins une fois dans sa vie, de remettre en question toutes les connaissances reçues, de faire le tri dans son bagage intellectuel, afin de se départir des pseudo-connaissances, celles qui ne résistent pas au doute, pour ne retenir justement que des vérités certaines. Dans le contexte africain, il s’agirait, selon le philosophe camerounais Marcien Towa, de « normaliser notre approche du passé et de notre culture en la rendant critique3 », c’est-à-dire de nous défaire de toutes les formes d’obscurantisme qui entravent notre marche en avant. D’où l’intérêt des questions suivantes : L’Africain est-il prisonnier de son passé ? N’a-t-il pas le droit, comme l’ont fait les autres peuples, de retourner aux sources dans une réinterprétation libre, rationnelle et areligieuse ?

Deuxièmement, nous venons de voir que la modernité signifie esprit de libre examen et, par conséquent, rupture avec le magistère de l’église et avec la tradition. Sur le plan scientifique, cette rupture avec la tradition s’est réalisée concrètement par la substitution de l’expérimentation à la discussion et à l’argumentation. Jusque-là, les théories n’avaient été soumises qu’à la discussion et à l’argumentation, désormais c’est à la nature elle-même qu’il faut s’adresser pour la connaître. C’est l’expérience qui devient la véritable maîtresse de l’homme. Et les travaux des grands expérimentateurs comme Darwin4, Claude Bernard5 et Pasteur6 ont justement permis, entre autres, de libérer les sciences de la vie de l’influence de l’animisme et du vitalisme et de faire reculer la mortalité due aux maladies bactériennes ou virales comme la variole et le choléras. Leurs expérimentations ont montré que les processus vitaux ne sont pas régis par des âmes immatérielles qui orientent chaque vivant vers une finalité précise, mais qu’ils sont plutôt régis par des lois de la nature. Et c’est la connaissance de ces lois qui va permettre à l’homme moderne d’en devenir maître et possesseur. Car lorsqu’on connaît les lois de fonctionnement des vivants, on les maîtrise justement parce qu’on peut même les modifier – comme cela se passe dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage et de l’industrie pharmaceutique – pour les rendre plus utiles à nos fins. Les questions qu’on devrait se poser à ce niveau sont les suivantes : L’Africain doit-il considérer les intuitions empiriques de ses ancêtres en matière de santé comme un corpus achevé de connaissances ou alors il doit prolonger la recherche qu’ils ont initiée dans le souci de transformer leurs intuitions en lois scientifiques ? La pharmacopée traditionnelle africaine ne gagnerait-elle pas à mettre à profit les connaissances accumulées dans le domaine des biotechnologies et du génie génétique ?

Enfin, les affirmations selon lesquelles la pensée constitue l’essence humaine et que tout homme, à condition qu’il se serve d’une bonne méthode, est capable de parvenir à la vérité, ont remis en question l’éducation aristocratique encore en vigueur pendant le moyen-âge. Selon les modernes, ce n’est pas la nature – la famille par laquelle nous sommes venues au monde – qui conditionne la réussite dans tel ou tel domaine d’activité, mais c’est le travail et la discipline. La question qu’on devrait se poser, si l’on transpose cette attitude dans notre médecine traditionnelle, serait la suivante : ce sont les plantes qui soignent ou alors le pouvoir de guérison est lié à un charisme transmis de génération en génération ?

Ce sont là les questions auxquelles nous voulons essayer de répondre dans ce propos qui comportera trois parties. Dans la première nous présenterons la modernisation comme renoncement à la dictature du passé, dans la deuxième nous la présenterons comme avènement d’une science affranchie de la métaphysique et, enfin, nous l’aborderons dans la dernière partie comme passage de l’éducation aristocratique à l’éducation démocratique.

1. La modernisation comme rapport dialectique avec notre passé

L’homme, nous a rappelé la phénoménologie, n’est pas un pur esprit. Il vit toujours dans un corps qui signifie son insertion dans un monde, dans un peuple, dans une culture. L’être-au-monde, nous dit Heidegger, est un existential, c’est-à-dire un élément constitutif de l’être-homme. Cependant, tandis que Martin Heidegger pense que l’homme est jeté et abandonné dans le monde7, Edmund Husserl estime qu’il est capable de prendre du recul par rapport à ce monde, de le questionner, d’y mettre de l’ordre : c’est ce qu’on appelle la réduction phénoménologique ou épochè8.

Il se trouve même que ce débat est très ancien. Dans le conflit du romantisme contre les Lumières, nous rappelle Luc Ferry, « ce sont en fait deux conceptions de la culture et de l’histoire qui s’affrontent9 ». Pour les romantiques, « l’homme ne saurait être véritablement homme que parmi les siens, dans la communauté qui toujours l’englobe déjà et le façonne sur le modèle de la langue que nous apprenons, certes, mais ne créons pas nous-mêmes10 ». Ils estiment donc que « privé de sa culture, coupé de ses racines, l’homme qui prétend s’élever à la liberté perd en vérité la qualité d’être humain11 ». Mais tout en acceptant l’idée selon laquelle la culture et l’histoire sont le propre de l’homme, c’est-à-dire ce qui le distingue de l’animal, les philosophes des Lumières refusent de naturaliser ou d’essentialiser la culture et de l’identifier à ce qui, de l’extérieur, s’impose aux hommes et les détermine de manière exhaustive. Pour eux, l’histoire n’est pas tradition, mais elle est création, innovation, perfectionnement. Ainsi, « au romantique qui tient que l’homme abstrait n’est plus un homme, l’Aufklärer répond que c’est au contraire l’individu enraciné, de part en part déterminé par sa situation, qui retourne à la nature et perd ainsi sa qualité d’humain12 ». C’est justement ce que soutiennent certains penseurs africains comme Marcien Towa, qui s’oppose à toute approche statique ou fixiste de l’univers culturel africain.

Contrairement à l’essentialisme d’un Senghor qui veut enfermer l’Africain dans une âme noire immuable et inaltérable que le Nègre, comme le zèbre qui ne peut dépasser ses zébrures, ne peut transcender, Marcien Towa a proposé une autre voie qui consiste à ramener la pensée africaine traditionnelle à ce qu’elle est effectivement, c’est-à-dire « un état de fait contingent des cultures africaines à une phase déterminée de leur processus évolutif13 ». Il inscrit donc la pensée africaine traditionnelle dans une perspective historique en la considérant comme un moment de l’histoire de la pensée africaine. Ce qui libère l’Africain de la dictature du passé ou de l’esprit routinier qui l’assimile à l’animal et le condamne à un rôle prédéfini par l’impérialisme.

En fait, ce qui définit essentiellement l’être humain c’est la transcendance, c’est-à-dire la capacité infinie d’adaptation ou de perfectionnement ; il est un être éminemment créateur ou transformateur, « l’univers culturel en sa totalité – objets élaborés, institutions, représentations, etc. – est le produit de cette créativité inépuisable14 ». Par conséquent, « aucune identité culturelle spécifique, aucune tradition, ne saurait s’enclore en elle-même ou se figer : elle ne saurait être autre chose que l’actualisation de la virtualité créatrice, tout en servant de base, par sa transmission, aux actualisations ultérieures, dans un mouvement indéfini de création15 ». En d’autres termes, toute culture constituée doit se transformer en permanence « sur la base de la pression des contextes changeants et suite à la décision libre du sujet humain de sélectionner les éléments culturels pertinents qui permettent la réalisation du projet de soi et de celui de la collectivité sociale dans son ensemble16 ».

Ainsi, le fait que nos ancêtres aient philosophé ne nous dispense pas de philosopher à notre tour aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’un modernisme qui consisterait à considérer tout ce qui est passé comme étant démodé. Mais d’une exhortation à soumettre la pensée traditionnelle à la critique, à l’éprouver, non pas du point de vue d’un système particulier tenu pour unique vérité, mais du point de vue de notre être-dans-le-monde-actuel, de la détermination de la manière de le prendre en charge et de l’infléchir dans une direction par nous définie17. Tout projet de racialisation de la culture africaine ou de son figement à un moment donné de son évolution serait contre la transcendance ou la créativité inépuisable de l’homme évoquée plus haut. Les Africains, ne sont pas prisonniers de leur passé. Comme tous les autres peuples, ils ont le droit de retourner aux sources dans une réinterprétation libre, rationnelle et areligieuse, afin de se libérer de toutes les formes d’obscurantisme qui entravent leur marche en avant18. Et, étant donné que la situation actuelle de l’Afrique est celle de la domination par l’autre qui s’est imposé grâce à la force physique qu’il tire de la connaissance scientifique des éléments et des processus naturels, le principal critère de transmissibilité de nos traditions doit être la libération. Elles ne devraient être jugées dignes de transmissibilité que dans la mesure où elles contribuent à cet objectif. En d’autres termes, dans notre rapport avec le passé nous ne devons pas seulement viser notre être, mais notre devoir-être. Ainsi, au lieu de la recherche de l’originalité et de la différence, nous devons adopter une attitude d’ouverture à l’égard des autres civilisations. Comme préconisait déjà Kwame Nkrumah, nous devons intégrer harmonieusement dans notre culture tous les éléments étrangers qui peuvent nous permettre de construire une idéologie moderne dynamique indispensable à notre lutte pour la libération19.

A ceux qui ne voient dans ce rapport dialectique avec le passé qu’un auto-anéantissement programmé, Towa rappelle que « ce choix dramatique entre l’essence du soi et sa destruction au profit de l’autre s’est imposé à tous les peuples qui durent affronter la puissance de l’Occident20 ». Et les peuples qui ont accepté de se remettre en question – la Russie avec la Révolution d’octobre 1917, la Chine avec le mouvement du 4 mai 1919 – afin d’assimiler le secret de l’Occident impérialiste, se retrouvent aujourd’hui eux-mêmes, tandis que ceux qui ont voulu préserver leur originalité sont en train de se perdre en la perdant : « les premiers ont fait peau neuve et ont retrouvé santé et vigueur, les seconds incapables de riposter adéquatement au défi du temps, succombent sous le poids du passé, s’éloignent de la scène de l’histoire et deviennent un champ d’action et d’extension de l’autre21 ». Mais quels éléments culturels pertinents devons-nous réellement sélectionner ? Desquels devons-nous absolument nous départir parce qu’ils entravent notre marche en avant ? C’est à ces questions que nous allons répondre à présent.

2. La modernisation comme désenchantement du monde ou avènement d’une science affranchie de la métaphysique

La modernité est l’esprit de libre examen et, par conséquent, rupture avec la tradition et le magistère de l’église. Sur le plan scientifique, nous l’avons annoncé plus haut, cette rupture avec le magistère de l’église et avec la tradition s’est réalisée concrètement par le passage des visions finaliste et animiste à la vision mécaniste du monde.

En fait, dire que le cogito est la première vérité, c’est poser que dorénavant toutes les autres vérités – la connaissance que j’ai de moi-même, du monde et de Dieu – dépendent de ma pensée claire et distincte, c’est-à-dire du doute, puisqu’en fin de compte, penser c’est douter, c’est-à-dire soumettre toutes les opinions reçues aux objections rationnelles.

C’est donc le doute qui me révèle à moi-même et il me révèle à moi-même comme étant une âme distincte du corps22. Et puisque je n’ai le droit d’attribuer à une chose que ce que contient évidemment l’idée claire et distincte de cette dernière, je n’ai pas le droit d’attribuer à mon corps d’abord, puis à tous les corps, quoi que ce soit d’autre que l’extension. Aussi Descartes peut-il affirmer que la nature de la matière, ou des corps pris en général, ne consiste point en ce qu’elle est une chose dure, ou pesante, ou colorée ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement en ce qu’elle est une substance étendue en longueur, en largeur et profondeur23.

C’est donc l’extension qui est l’attribut essentiel de la matière. Or l’extension chez Descartes est synonyme d’espace, d’étendue géométrique. Aussi, dire que l’extension seule constitue la nature des corps, c’est faire de la mathématique l’essence du réel : la réalité, l’essence ou la forme d’une chose n’est plus l’être en tant qu’être d’Aristote, elle est sa construction géométrique et l’univers entier est un livre écrit en langage mathématique et donc potentiellement déchiffrable totalement. En d’autres termes, dire que l’extension seule constitue la nature des corps, c’est renoncer à expliquer le vivant selon le modèle aristotélicien, c’est-à-dire à partir d’une âme comme principe qui rend l’être capable d’activité ordonnée et stable et qui le rend lui-même ainsi que son action intelligible à l’esprit24 ; c’est supprimer toute activité psychologique, toute intervention d’une âme dans l’explication des phénomènes zoologiques. Mieux, c’est prétendre tout expliquer dans la vie organique et psychologique de l’animal par simple recours aux phénomènes matériels, c’est-à-dire par simple intervention des lois mathématique et mécaniques. Ce qui signifie que le monde est désormais sans mystère et totalement livré à l’agir de l’homme qui peut même formuler à son égard des projets de maîtrise : c’est la vision mécaniste du monde. Et comme nous avons vu plus haut, elle aura pour corollaire le remplacement de l’argumentation par l’expérimentation : désormais c’est à la nature elle-même qu’il faudra s’adresser pour la connaître, c’est l’expérience qui devient la véritable maîtresse. C’est ce passage de l’argumentation à l’expérimentation qui a permis à la médecine occidentale de prendre son envol.

Les travaux des grands expérimenteurs - Lavoisier, Priestley, Réaumur, Spallanzani, etc. – ont mis en évidence les grandes fonctions du vivant. Le vivant est un ensemble d’appareils. Dans le cas de l’homme on peut parler de l’appareil respiratoire, de l’appareil circulatoire, digestif, urinaire, etc. Et, de nos jours, les organes qui sont à la base de chacun de ces appareils sont connus : le cœur, les reins, etc. ils peuvent être soignés, corrigés ou remplacés par d’autres, s’ils sont défectueux, dans le cadre de ce qu’on appelle transplantation des organes. Une autre conséquence positive de la vision mécaniste du monde et de l’expérimentation a été la découverte de l’origine microbienne des maladies. Jérôme Fracastor travaillant sur la syphilis, fut le premier à mettre en évidence l’origine microbienne des maladies humaines et à expliquer le mécanisme de la contagion. Les recherches ultérieures mirent en évidence l’image du bon microbe, c’est-à-dire le fait que les microbes ne sont pas tous des agents pathogènes, mais qu’il y en a parmi eux des bons microbes, c’est-à-dire ceux qu’on peut utiliser pour combattre les agents pathogènes ou qui sont utiles à la fermentation. En d’autres termes, les scientifiques ont mis en évidence le fait que le monde biologique est un monde en guerre et que l’homme peut intervenir dans cette guerre sans fin que se livrent les micro-organismes pour se faire des alliés, pour contracter des alliances qui lui permettent d’engager ses propres combats par organismes interposés, à travers la fabrication des pesticides, des antibiotiques, des vaccins, etc.

La découverte de la structure à double hélice de l’ADN (en 1933 par Watson et Crick) y a contribué énormément. L’ADN est l’identité d’un individu. Il s’agit d’une molécule géante dont les segments sont des gènes. Lorsqu’on découpe ses fragments et qu’on les recombine, on obtient un autre organisme, une autre identité ou un autre individu qu’on peut ensuite reproduire à grande échelle grâce aux techniques de clonage. Ce sont ces connaissances et techniques qui permettent de modifier le code génétique de certains individus ou de produire de nouveaux organismes par recombinaison de l’ADN et de les rendre disponibles en quantité industrielle qu’on appelle les biotechnologies ou techniques de maîtrise et de production industrielle du vivant. Elles ont permis le renouvellement de l’agriculture et de l’élevage à travers la sélection des espèces, la fabrication des engrais, des pesticides, etc. sur lesquelles repose aujourd’hui l’économie du monde agricole. Sur le plan médical, elles ont permis la fabrication des antibiotiques, des vaccins et insecticides qui ont libéré le monde du spectre des grandes endémies. Et c’est sur elles que reposent aujourd’hui les espoirs du monde entier dans la lutte contre les hépatites, le VIH, la Covid 19, à travers ce qu’on appelle les vaccins de troisième génération.

Pourquoi pensons-nous que la médecine africaine gagnerait à mettre à profit toutes ces avancés accumulées dans la recherche sur le vivant en général et sur l’homme en particulier ?

Premièrement parce que la méconnaissance de ces avancées constitue le nid ou le terreau de l’explication magico-religieuse de la maladie qui explique en grande partie le fait que notre monde reste le troisième, le tiers-monde, ou le monde où on meurt le plus vite parce que l’espérance de vie y est très faible. Avant la découverte de l’origine microbienne des maladies, les occidentaux eux-aussi recouraient à l’explication magico-religieuse de la maladie. Il ne s’agit pas d’une spécificité africaine. Seulement, tandis que cette découverte les a permis de jeter ces explications dans les oubliettes et de mettre beaucoup plus l’accent sur la qualité des aliments qu’ils consomment, de l’eau qu’ils boivent et de l’air qu’ils respirent, nous continuons au quotidien à vivre dans le déni total de l’existence des microbes sous le prétexte fallacieux que le noir ne meurt pas de saleté et lorsque nous tombons malades nous levons les yeux vers le ciel ou vers le pasteur pour qu’il nous sauve du diable ou de nos propres parents qui, curieusement deviennent tous des sorciers avec le poids de l’âge.

Avec les progrès enregistrés dans la connaissance du vivant, la grossesse dans le monde moderne n’est plus une fatalité. La transmission de la maladie génétique non plus. Non seulement on peut éviter d’avoir des drépanocytaires en recourant à l’électrophorèse du sang, il est possible à des couples qui sont affectées par une maladie génétique ou dont un des enfants est déjà malade de cette affection, d’avoir un enfant qui soit indemne de la maladie (on peut éviter la transmission de la mère à l’enfant du VIH par exemple). Ce qui n’est pas le cas dans notre Afrique profonde. Les maladies liées au sang sont totalement ignorées. Les promus au mariage ne s’ennuient pas à faire les analyses de sang avant de commencer à procréer. Et lorsque les drépanocytaires viennent au monde, ils sont des enfants sorciers ; c’est un mauvais ancêtre qui est revenu ou alors c’est la belle-mère, ou un membre de la famille qui n’avait pas accepté cette union.

En ce qui concerne la pandémie à corona virus qui soumet le monde entier à dure épreuve depuis bientôt deux ans, les solutions proposées de façon éparse par les Africains ont démontré à suffisance que l’Afrique regorge des potentialités énormes. Il s’agit des solutions de grand-mères – potion, décoction, etc. – qui continuent à faire leur preuve. Mais ces décoctions gagneraient certainement en efficacité et précision si on les faisait entrer en laboratoire. Cela permettrait de résoudre le problème de la dose, car la démesure, dans ce cas comme dans bien d’autres, est cause chez beaucoup des insuffisances rénales irréversibles. Au lieu que les médecins et les tradipraticiens continuent à faire bande à part, il faudrait faire entrer la pharmacopée traditionnelle en laboratoire pour avoir une médecine africaine tout court qui, reposant sur le savoir-faire ancestral, s’enrichit de la créativité des jeunes générations avec les moyens dont elles disposent aujourd’hui et qui étaient méconnues de leurs prédécesseurs. C’est ainsi qu’on fait les chinois et les indiens : leur médecine est restée chinoise ou indienne sans pour autant être traditionnelle, mais en devenant beaucoup plus performante grâce aux savoir-faire traditionnels enrichis par les procédés modernes.

Je suis resté très admiratif de la méthode adoptée par l’archevêque de Douala depuis le début de la pandémie. Il exige de ses patients un test fait dans un centre hospitalier moderne. Seulement, nous ne produisons pas localement le matériel usité dans ces hôpitaux pour faire les tests : il est importé. Ce qui signifie que nous restons là aussi dépendants de l’autre. Si nous voulons sortir de cette dépendance ainsi que de l’angoisse qu’un groupe de comploteurs serait en train de peaufiner un plan d’extermination à grande échelle, nous devons avoir la capacité de nous défendre nous-mêmes, nous devons nous investir à atteindre le même niveau d’évolution scientifique que ceux que nous craignons et dont nous connaissons le cynisme.

Face au phénomène de la mondialisation et notamment de la mondialisation technoscientifique, l’Afrique se trouve à la croisée des chemins : elle doit choisir entre la déconnexion ou marginalisation et l’implication. Mais, selon Daryush Shayegan, la déconnexion serait une voie suicidaire. Car la mondialisation est une marée montante à laquelle aucune civilisation ne peut échapper ni résister. Elle a transformé le monde en un grand théâtre de compétitions dans lequel, pour survivre, les peuples « n’ont pas d’autre choix que de se moderniser25». Cette analyse de Daryush Shayegan est entièrement partagée par Lazare Marcellin Poame qui estime lui aussi que la solution de la déconnexion – retour aux sources – ou du refus de la civilisation technoscientifique, sous le prétexte de préserver son essence intime, condamnerait l’Afrique à rester éternellement le marchepied des autres, car en refusant de s’intégrer au processus de la mondialisation en cours, elle ne peut pas se soustraire de ses effets26.

3. La modernisation comme passage de l’éducation aristocratique à l’éducation démocratique

Dans la vision aristocratique du monde, pour apprendre une activité physique à dimension culturelle, comme un sport ou l’utilisation d’un instrument de musique, il fallait avoir un talent naturel. Dans cette perspective, l’éducation n’avait pas pour but de faire en sorte que les enfants se dépassent eux-mêmes ou qu’ils aillent plus loin sur une voie a priori indéfinie. Il était plutôt question de repérer les talents afin d’aider ceux qui en sont dotés à les réaliser ou à les actualiser autant qu’il est possible.

Il s’agissait, explique Luc Ferry, d’une pédagogie tout à la fois élitiste et naturaliste. On l’appelle aristocratique parce qu’elle reposait sur l’idée qu’il existe des bons et des mauvais par nature, c’est-à-dire de façon innée. Ne pouvant rien avoir en acte qui n’ait d’abord été en puissance, selon le finalisme fixiste d’Aristote, les meilleurs (les aristoï) n’étaient pas censés sortir du lot au terme d’une compétition, une application ou d’un travail. Le monde aristocratique se définissant par le refus du travail considéré comme une activité servile, les meilleurs étaient choisis par la nature. C’est la nature, c’est-à-dire la famille d’origine, qui décidait du rôle et de la place de chacun dans la société : l’éducation et l’histoire n’y pouvaient rien. Cette idée d’une inégalité naturelle dans la répartition des talents a été dépassée dans le monde moderne en raison de l’apparition au 18e siècle d’une nouvelle vision du monde, dite démocratique, qui considère que les enseignements doivent être destinés à tous les enfants, car l’essentiel ne réside pas dans l’inné, mais dans ce qui se passe après, c’est-à-dire dans l’effort que chaque enfant va consentir pour parvenir à un résultat. Le bon instituteur préférant d’ailleurs un élève peu doué mais volontaire et travailleur, à celui qui possède des facilités mais, selon l’expression consacrée, peut faire mieux.

Ainsi, est-on passé de l’élitisme naturel à l’élitisme républicain, c’est-à-dire de la logique de la réalisation de soi à celle du dépassement de soi. L’important étant désormais d’aller le plus loin possible sur un chemin, celui de la perfectibilité humaine, dont plus rien ne permet de fixer a priori des limites.

Quel rapport peut-on établir entre le passage du primat de la nature à celui de la culture opéré dans le monde moderne, notamment avec les Lumières, avec la réflexion que nous menons ici ?

Ce qui précède devrait constituer le cœur même de la modernisation de nos pratiques en matière de la médecine : nous devons passer du modèle aristocratique dans lequel tout est donné par la nature ou par les ancêtres au modèle démocratique qui situe l’essentiel dans la discipline, le travail et l’effort afin d’aller le plus loin possible sur le chemin de la perfectibilité à laquelle nul ne devrait se permettre a priori de fixer des limites27.

Nos villages ont connu des hommes et des femmes d’une réputation extraordinaire dans plusieurs domaines de la médecine ; des femmes aguerrîtes en ce qui concerne toutes les maladies liées à l’enfance, comme les fesses rouges, les convulsements, le mbombod, etc. Des hommes spécialistes dans le traitement des fractures, quelle que soit la gravité, des experts en matière de morsure de serpents, etc. Ces hommes et ces femmes sont morts, emportant avec eux tout ce savoir-faire, parce qu’il ne s’est jamais agi d’un savoir qu’on peut transmettre démocratiquement à tous les enfants et qui peut être enrichi par le travail et la recherche des futures générations, mais il s’agissait des dons, des talents naturels, des charismes, parfois transmis de père en fils, et même parfois qu’on n’a transmis à personne sous le fallacieux prétexte qu’on n’a trouvé personne de naturellement prédisposé à qui transmettre rituellement ce savoir.

Naturellement, ce que nous disons ici est intimement lié à ce que nous avons évoqué dans la deuxième partie de notre réflexion, à savoir l’urgence d’opérer le désenchantement du monde : Qu’est-ce qui soigne ? Les herbes ou le charisme ? Dans l’Afrique traditionnelle on soigne parce qu’on a reçu, parce que le traitement nous a été transmis rituellement par quelqu’un, parce qu’on a la main ou la bonne main. L’initiation est ésotérique. Les soins ne sont pas un savoir démocratique, mais des secrets. Par conséquent, au lieu d’assister à un accroissement des savoirs traditionnels en matière de santé, on assiste à un régressement, à un recul : beaucoup de pratiques se sont perdues, évaporées, avec le temps.

Les traitements, dans notre culture, relèvent d’une initiation réservée à un petit nombre de personnes, ils relèvent de la magie, de la croyance. Pire encore, on ne sait même pas pourquoi telle herbe soigne telle ou telle pathologie, car les recherches qui devraient conduire vers pareille maîtrise parce qu’elles devraient aboutir à des lois et, par conséquent, à plus d’efficacité, ne se font pas parce que la médecine traditionnelle n’est pas enseignée à l’école du village, encore moins dans les facultés de médecine. Elle reste fermée à l’intelligence des jeunes générations à qui il revient pourtant le devoir de la faire évoluer.

Conclusion

Ce qu’il faut retenir de ce qui précède c’est que nous devons normaliser le rapport avec notre passé. Les deux écueils à éviter ont été identifiés depuis longtemps par Aimé Césaire.

Le premier serait de considérer l’Afrique traditionnelle comme un néant culturel. Ce préjugé esclavagiste a été une méprise. Car selon les travaux de Check Anta Diop, la civilisation égyptienne, celle qui a duré le plus longtemps dans l’histoire universelle, a été l’œuvre des Noirs. « Il s’agit d’un fait qui a été reconnu par les Grecs eux-mêmes. Et ce ne sont que les européens modernes qui nient ces données-là »28. Et, s’ils nient ces données, c’est justement parce que cette Égypte était peuplée de Noirs, alors que l’Europe est essentiellement raciste depuis la traite négrière.

Le second écueil, tout aussi injurieux et insoutenable, est l’enfermement dans le ghetto culturel ou la conception fixiste de la culture africaine. Dire que les Africains ont une culture et considérer cette dernière comme une âme noire immuable et inaltérable que le nègre ne peut dépasser, c’est admettre que comme l’Africain a été, ainsi il sera éternellement. Ce qui revient à l’insulter plus que ne l’avait fait Hegel. Mieux, c’est faire croire que « Hegel, au siècle dernier, décrivait moins le nègre qu’il ne prophétisait celui que nous allions devenir29 » : homme de l’à-peu-près et des vues courtes, incapable de se projeter dans l’avenir, dépourvu de toute historicité, de toute volonté d’émancipation, de toute capacité de se faire, de se forger un nouvel être, de faire la vérité à ses risques et péril, d’être sujet30.

S’il est donc vrai qu’une attention au passé est nécessaire et même indispensable pour construire le présent avec lucidité, il n’en demeure pas moins que « sans la différence entre le passé et le présent il n’y a pas d’avenir »31. Autrement dit, notre attention au passé ou à la tradition africaine ne doit pas consister à considérer cette dernière comme éternellement bonne, sainte et juste, comme s’il ne nous restait plus, pour résoudre tous nos problèmes actuels, qu’à marcher droit sur les traces de nos ancêtres qui auraient tout pensé pour nous et ne se seraient trompés en rien. Car cela est insoutenable. Premièrement, parce qu’ils étaient aussi des hommes et, comme tel, sujets à l’erreur. Deuxièmement, parce que nous faisons aujourd’hui face à des situations qu’ils n’auraient même pas pu imaginer. Aussi, prêter attention à notre passé ne signifie pas exhumer des traditions fossilisées, mais plutôt éviter la répétition aujourd’hui, et dans l’avenir, sur le sol africain, de ce qui constitue notre passé commun : la servitude et la domination par l’autre qui s’est imposé grâce à la connaissance scientifique qui « fournit des moyens de domination ou de libération autrement plus sûrs que nos soi-disant pouvoirs surnaturels32 »

En fait, nous n’avons pas accueilli les Européens en sauveurs, en civilisateurs. Nous avons bien vu en eux des envahisseurs. Mais malheureusement, « ils nous ont vaincu militairement, il ne faut jamais l’oublier33 ». « Nos empires, nos royaumes bien organisés et prospères se sont effondrés sous les coups des négriers et des colonisateurs grâce à la supériorité de leur armement et de leur technique34 ». Aussi, ce n’est plus tout simplement la recherche de notre être distinctif, de notre essence à préserver à tout prix, qui doit commander notre rapport avec le passé. Nous devons plutôt faire le diagnostic du mal à guérir, des lacunes à combler. Car, s’il est vrai, comme témoigne la situation actuelle de l’Afrique, que notre monde ancien n’a pas pu résister au choc avec l’Occident, cela veut dire que l’erreur serait de reconduire ce passé. Mais surtout, cela sous-entend que « nous sommes en quête de quelque chose qui nous manque, et non de ce que nous aurions déjà35 ». Et cette chose qui nous fit défaut et qui continue à faire de notre continent le théâtre de la volonté de puissance des autres, c’est la science.

Ainsi, si nous ne voulons pas éternellement être le marchepied des autres, si nous voulons sortir de la raque de l’histoire, nous devons nous moderniser. Sur le plan médical, nous devons transformer les potentialités que regorge notre pharmacopée traditionnelle en richesse réelle. Pour cela, nous devons introduire les intuitions empiriques de nos ancêtres en laboratoire pour qu’elles deviennent des lois. En devenant une science, c’est-à-dire en cessant de relever du tâtonnement et de la croyance, elle gagnera en précision et efficacité, obtiendra la notoriété ou la reconnaissance internationale et pourrait même devenir une énorme source de revenus pour le développement de l’Afrique.

Résumé

Les progrès enregistrés dans le domaine des biotechnologies et du génie génétique ont permis à la médecine occidentale de venir à bout des maladies qui étaient incurables il y a quelques décennies. Le présent article a pour but de démontrer que leur intégration dans la pharmacopée traditionnelle africaine la ferait gagner en efficacité et précision. Pour cela, cette dernière devrait cesser de relever de la magie pour s’ouvrir à l’intelligence des jeunes générations auxquelles il revient de transformer les intuitions empiriques de leurs ancêtres en lois en mettant à profit les savoirs que l’humanité a accumulés dans le domaine de la connaissance du vivant.

Bibliographie

  • Descartes, René, Discours de la méthode, Présentation et commentaires de Denis Huisman, Col. Les intégrales de philo, Paris, Fernand Nathan, 1981.
  • Méditation métaphysiques, Paris, Librairie Larousse.
  • Eboussi Boulaga, Fabien, Lignes de résistance, Yaoundé, CLE, 1999.
  • La crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, Paris, Présence africaine, 1977.
  • Ferry, Luc, Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Grasset, 1992.
  • Gros, François, L’ingénierie du vivant, Paris, Odile Jacob, 1990.
  • Heidegger, Martin, Être et temps, traduction de François Vezin, Paris, Gallimard, 2005
  • Kant, Emmanuel, Critique de la raison pure, Paris, Flammarion, 1987.
  • Towa, Martien, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, Yaoundé, CLE,
  • — « Aimé Césaire, prophète de la révolution des peuples noirs », in ABBIA, Revue Culturelle Camerounaise – Cameroon Cultural Review, N° 21, Janvier-Avril 1969.
  • Identité et transcendance, Préface de Ndzomo-Molé, Paris, Harmattan, 2011.
  • Histoire de la pensée Africaine, Yaoundé, CLE, 2015.
  • Ondoua, Pius, Un monde différent. Défi du présent, utopie créatrice de l’avenir, Paris, Harmattan, 2018.
  • Poame, Lazare Marcellin, « Système technicien, Mondialisation et Démocratie en Afrique », Séminaire virtuel de philosophie du droit, Université virtuelle francophone, www.uvf.org.  
  • Samir, Amin, « Le modèle chinois de développement : origines et parcours dans la mondialisation actuelle », in Vie Economique, Vol. 1, N°2, Version numérique.
  • Shayegan, Daryush, « Le choc des civilisations », in Esprit, Paris, Seuil, Avril 1996.

  1. « Ayant dessein d’employer toute ma vie à la recherche d’une science si nécessaire, et ayant rencontré un chemin qui me semble tel qu’on doit infailliblement la trouver, je jugeais qu’il n’y avait point de meilleur moyen d’y parvenir que de communiquer fidèlement au public tout le peu que j’avais trouvé, et de convier les bons esprits à tacher de passer plus outre, en contribuant, chacun selon son inclination et son pouvoir, aux expériences qu’il faudrait faire, et communiquant aussi au public toutes les choses qu’ils apprendraient, afin que les derniers commençant où les précédents auraient achevé, nous allassions tous ensemble beaucoup plus loin que chacun en particulier ne saurait faire », R. Descartes, Discours de la méthode, Sixième partie, Présentation et commentaires de Denis Huisman, Col. Les intégrales de philo, Paris, Fernand Nathan, 1981, pp. 73-74. ↩︎

  2. « Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais», ibid., p. 34. ↩︎

  3. Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, Yaoundé, CLE, 1971 p. 55. ↩︎

  4. Il publia en 1859 L’origine des espèces par la sélection naturelle↩︎

  5. Auteur d’une Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, il démontra que les phénomènes propres au vivant sont explicables, quantifiable et prévisibles comme ceux de la matière inerte. « Ses qualités d’expérimentateur et d’observateur, explique François Gros, lui permirent de jeter les fondements modernes de l’étude des grandes fonctions physiologiques, comme la digestion, la fonction glycogénique, la neurosécrétion », L’ingénierie du vivant, Paris, Odile Jacob, 1990, p. 52. ↩︎

  6. « Soucieux de découvrir les agents responsables des fermentations, il fut conduit à étudier les micro-organismes, à découvrir l’anaérobiose et à démontrer l’absence de fondement de la génération spontanée. Ses travaux vont surtout favoriser l’essor de nouvelles formes de biotechnologie agro-alimentaire et le développement de la médecine préventive, dès l’instant que le rôle des germes dans l’apparition des maladies contagieuses est établi et que les premiers grands succès de la vaccination contre le charbon puis contre la rage deviendront évidents », ibid., p. 52. ↩︎

  7. L’être-au-monde, selon Martin Heidegger, est constitutif du Dasein, le réel moi vivant, celui qu’on rencontre dans la quotidienneté : c’est un existential. Dans Être et temps, son œuvre maitresse, celle qui lui a valu sa renommée, il précise que « l’expression composé être-au-monde, montre déjà à la façon dont elle est frappée qu’il s’agit avec elle d’un phénomène unitaire, c’est-à-dire de l’impossibilité de dissocier les éléments qui la composent », traduction de François Vezin, Paris, Gallimard, 2005, p. 86. ↩︎

  8. Husserl ne nie pas l’existence du monde extérieur comme Descartes, mais assumant la fin de l’harmonie préétablie opérée par Kant, il choisit comme point de départ de toute connaissance la conscience. Or le propre de la conscience est de rompre la totalité à laquelle on appartient pour se poser comme un sujet qui dit je, moi, en face d’un monde objet. ↩︎

  9. L. Ferry, Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Grasset, 1992, p. 45. ↩︎

  10. Ibid. p. 45. ↩︎

  11. Ibid. p. 45. ↩︎

  12. Ibid. p. 46. ↩︎

  13. M. Towa, Identité et transcendance, Préface de Ndzomo-Molé, Paris, Harmattan, 2011, p. 121. ↩︎

  14. Pius Ondoua, Un monde différent. Défi du présent, utopie créatrice de l’avenir, Paris, Harmattan, 2018, p. 199. ↩︎

  15. Ibid., p. 199. ↩︎

  16. Ibid., p. 200. ↩︎

  17. Marcien Towa, Histoire de la pensée Africaine, Yaoundé, CLE, 2015, p. 26. ↩︎

  18. « La Chine se libère de la religion, en l’occurrence le Bouddhisme, dès l’époque des Song et définitivement avec les Ming (…), l’analogie entre la Renaissance chinoise et celle ultérieure de l’Europe est frappante. Les Chinois retournent aux sources, le confucianisme, dans une réinterprétation libre, rationnelle et areligieuse, analogue à celle de la Renaissance européenne (…) pour rompre avec ce que le Lumières qualifieront d’obscurantisme religieux du Moyen Âge », Samir Amin, « Le modèle chinois de développement : origines et parcours dans la mondialisation actuelle », in Vie Economique, Vol. 1, N°2, Version numérique p. 5. ↩︎

  19. « Dans la production intellectuelle de l’Afrique moderne, et en général, du monde noir moderne, écrit Towa, nous ne voyons guère que le consciencisme de Kwame Nkrumah, qui corresponde à la méthode que nous proposons de la philosophie. L’interrogation du consciencisme porte sur une possibilité de nous-mêmes : une Afrique spirituellement et matériellement intégrée sur la base d’une idéologie moderne dynamique », Marcien Towa, Essai, op.cit. pp. 53-54. ↩︎

  20. Ibid., p. 42. ↩︎

  21. Ibid. p. 46. ↩︎

  22. « Je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence et la nature n’est que de penser, et que, pour etre, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c’est-à-dire l’ame par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps », R. Descartes, Discours de la méthode, Quatrième partie, ibid., p. 55. ↩︎

  23. Voir l’exemple du morceau de cire dans la Méditation Seconde, R. Descartes, Méditation métaphysiques, Paris, Librairie Larousse, pp. 41-43. ↩︎

  24. La forme, selon Aristote, était dans la chose une infime partie de l’intelligence divine organisatrice du monde, le Nous d’Anaximandre. Les âmes étaient le pivot du mouvement cosmique. Tout vivant avait une âme ; l’âme végétative pour les plante, l’âme sensitive pour les animaux et l’âme cognitive pour les humains. L’âme était le principe d’unité et d’activité spécifique, ce qui organise un vivant et l’oriente vers une finalité précise. ↩︎

  25. D. Shayegan, « Le choc des civilisations », in Esprit, Paris, Seuil, Avril 1996, p. 43. ↩︎

  26. Lazare Marcellin Poame, « Système technicien, Mondialisation et Démocratie en Afrique », Séminaire virtuel de philosophie du droit, Université virtuelle francophone, www.uvf.org, p. 10. ↩︎

  27. « Personne ne peut ni ne doit déterminer le dégré le plus élévé de perfection où s’arrete l’humanité », écrit Kant dans la Critique de la raison pure, Paris, Flammarion, 1987, p. 319. ↩︎

  28. « L’Égypte ancienne était pour les Grecs, ce que l’Europe occidentale est actuellement pour les pays sous-développés. Lorsqu’un Grec avait étudié une discipline, il se rendait en Egypte pour se perfectionner et acquérir l’autorité intellectuelle (…). C’est pour cela que pratiquement tous les savants Grecs ont dans leur biographie l’épisode du voyage égyptien (…). Même ceux qui n’avaient pas été en Egypte inventaient cet épisode pour se glorifier du niveau de leur science ». Ibid. p. 17. ↩︎

  29. Fabien Eboussi Boulaga, Lignes de résistance, Yaoundé, CLE, 1999, p. 63. ↩︎

  30. Poser la culture africaine comme une âme nègre immuable que l’Africain ne peut dépasser c’est faire comme si tout pour l’Africain « est donné, transmis soit par les ancêtres, soit par les Forces supérieures, rien n’est produit », écrit Fabien Eboussi Boulaga dans La crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, Paris, Présence africaine, 1977, p. 154. ↩︎

  31. Lignes de résistance, op.cit., p. 21. ↩︎

  32. M. Towa, L’idée d’une philosophie négro-africaine, Yaoudé, CLE, 1997, p. 58. ↩︎

  33. M. Towa, Histoire de la pensée africaine, op.cit., p. 48. ↩︎

  34. M. Towa, « Aimé Césaire, prophète de la révolution des peuples noirs », in ABBIA, N°21, Janvier-Avril 1969, p. 55. ↩︎

  35. Marcien Towa, Essai, p. 59. ↩︎